Résumé de Technocritiques : Du refus des machines à la contestation des technosciences

François Jarrige, 2014

Publié le 1 février 2023 Mis à jour le 1 février 2023
Technique - Critique - Histoire

Résumé


Dès le 19e siècle, la technique sera associée « à l’activité productive, à la fabrication d’objets et à la manipulation de l’environnement ». 
Si les critiques contre la technique se sont modifiées au fur et à mesure des règnes de production », elles sont souvent liées à des questions de préservation du travail, de l’environnement et du mode de vie de l’homme dans la société, comme le souligne Jarrige : « Les acteurs ne résistent jamais à la technique en général mais contestent des dispositifs et trajectoires spécifiques »


 

Les premières contestations de la technique :

 Les 1ere critiques furent marginales car jugée « inutiles «. Cependant, à partir du moment où la technique était perçue comme principale source de transformation de la société, les critiques ont commencé à se faire entendre, car jugées utiles dans ce cas-ci. A travers ces critiques, il se fait entendre « un rejet des formes de pouvoir et de domination incorporés dans les artefacts techniques ». En témoigne l’exemple des briseurs de machines, les luddistes, qui s’activent à la fin du XVIIIe siècle et dans la première moitié du XIXe siècle. Dans à peu près tous les pays où s’implantent les métiers à tisser, des émeutes ont lieu, soutenues par une large proportion de la population et par une partie des élites locales. En se penchant sur leurs récriminations, on comprend que les protestataires n’en ont pas contre le «progrès» (les artisans sont à l’origine de nombreuses micro-innovations), mais qu’ils défendent des modes de vie et des savoir-faire menacés par la production de masse.
 

Le contrôle de la technique ou la technique du contrôle ? :

 

Durant le 19e siècle, les contestations envers la technique étaient des plus variées : chômage technologique, impact sur le mode de vie, sur la santé des populations et sur l’environnement. Dans un contexte de célébration du progrès, la ligne de défense adoptée était celle de la supposée neutralité des techniques. Mais Marx dénonce alors un capitalisme industriel où le travail est détourné de son but : loin de libérer, il enchaine. 
Dans bien des cas, les travailleurs réticents face aux machines défendent aussi leur indépendance, alors même que la technique est souvent conçue par ses promoteurs comme un moyen de contrôler et de discipliner la main-d’œuvre. En témoigne l’exemple de ces machines à battre le grain qui étaient vendues aux gros propriétaires ruraux du milieu du 19ème siècle avec la promesse qu’elles faciliteraient la surveillance des travailleurs et 
qu’elles leur permettraient de s’affranchir du « despotisme organisé par les manouvriers » (p. 63). En fait, l’association entre technique et contrôle est un thème récurrent de l’histoire. Ainsi, dans les années 1920 et 1930, l’état allemand se réjouit devant la technologie industrielle moderne et souhaite la déployer au service d’un État fort (p. 141): fascisme et exaltation des machines s’imbriquent de manière étroite. Les penseurs technocritiques n’ont pas manqué de dénoncer cette association entre le développement technique et le contrôle social.
Cependant, Jarrige démontre à l’aide de nombreux exemples qu’à l’encontre de l’appareil technique «totalitaire et centralisé », il est possible de développer des techniques démocratiques.
 

La technique, le destin du monde:

 

Dans son livre, François Jarrige examine les imaginaires liés au progrès technique. Parfois intégré dans un discours religieux au nom de la réalisation du paradis sur Terre, par ailleurs outil au service de projets plus larges visant à l’éloge de la modernité. « La technologie devient le destin du monde », elle exaltera aussi les discours fascistes.
Le 20ème siècle est celui de la belle époque des techniques. En effet, elles sont perçues comme un remède aux maux dont souffre la société. « L’innovation demeure un mot magique auquel on s’abandonne pour résoudre la question sociale » L’innovation par la technique est alors décrite comme inéluctable, tandis que s’organisent les premiers mouvements syndicaux. Les critiques de l’époque témoignent des inquiétudes du monde ouvrier et intellectuel. Le chapitre 7 se penche sur l’époque coloniale et les « machines impériales ». ICI

Durant la première moitié du vingtième siècle, l’auteur observe une intensification des débats sur les progrès techniques « A côté des conflits provoqués par la mécanisation du travail, d’autres enjeux montent en puissance, comme les risques de ‘mécanisation de la vie’ et des menaces sur la liberté ». On parle alors de « chômage technologique ». Les critiques sont assimilées à des discours passéistes et rétrogrades. Dans le même temps, F. Jarrige note une acceptation progressive de la technique et de ses bienfaits.
L’arrivée de la première Guerre mondiale introduira une rupture dans la représentation des techniques de par la mobilisation industrielle et le recours massifs aux technologies dernier cri pour intensifier la production militaire : « la science est déshonorée par la cruauté de ses applications » (Paul Valery).
 

« L’exagération de la technique »:

 

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la technique s’impose d’elle-même, tandis que s’ouvre l’ère de la consommation de masse. ICI Au cours des Trente Glorieuses les intellectuels seront de plus en plus nombreux à critiquer « l’exagération de la technique et les méfaits de la société technicienne ». Mais ces critiques seront noyées dans un contexte « de croissance et de forte modernisation ». 

Dans les années 1960, les techniques « semblent de moins en moins pensées comme de simples moyens, neutres. » Elles deviennent « le symptôme d’une société en crise ». 
C’est aussi l’époque des premiers pas de l’informatique, « d’emblée portée par un puissant imaginaire utopique ». Les critiques contre le « déferlement informatique » n’ont jamais cessé, souligne François Jarrige. Marginalisées, elles s’articulent autour de trois pôles principaux : les effets sur le travail, l’avènement de la surveillance généralisée, et les menaces sur la culture.


Publié le 1 février 2023 Mis à jour le 1 février 2023