Blog Cyclo-Expédition

La Cyclo-Exploration ?

Un voyage à vélo de Rennes à Saint-Malo. Du lundi 24 au jeudi 27 octobre 2022 les 6 étudiants ont descendu le canal d'Ile et Rance à la découverte d'acteurs engagés dans une démarche low-tech ou de transition.


En quelques phrases: 

-> Des modèles administratifs et juridiques variés (association, entreprise, SCOP, SCIC)

-> Des personnes engagées, aux fortes valeurs et à haute conscience écologique.

-> Le milieu associatif peine à trouver un modèle économique.

-> Diversité d’échanges entre ceux très techniques et d’autres très philosophiques.
 

Ce qu’il faut retenir :

Les normes sont le principal frein à la croissance et l'expansion des low-tech. La nouveauté des alternatives se heurte à l’inertie du système français. Il faut bouger les grandes lignes de l’administration et surtout de la société pour faire avancer les choses dans le bon sens.

En chiffres:

160 km

De vélo parcourus entre lundi et jeudi afin de relier Rennes et St Malo

6

Acteurs rencontrés

1

Visite du We Explore dans le village de la route du rhum
.

 



Enerpro

Lundi matin 9h-12h
Café Le Paris-Brest, Rennes

site internet: Enerpro


Nous avons rencontré Alexandre, qui a grandi dans les Pays de la Loire. Après une école de commerce, il s’est dirigé vers l’industrie électronique, les sciences et techniques l’ayant toujours inspiré. Après différents séjours en Allemagne, Chine, Suède, Roumanie, il est finalement revenu en France pour travailler dans le domaine de l'énergie en tant que directeur commercial dans la filière gaz. Pour ce poste, il  s’est formé d’un  mastère en énergie à l’école Supélec.


 

Ces multiples expériences du côté du commerce et de l’industrie du gaz n’ont cessé de lui donner des “claques environnementales”. Il a finalement quitté le monde de l’industrie des grandes entreprises en 2018 pour se lancer dans un projet en accord avec ses valeurs. Partant d’une envie d’avoir de l’impact dans le domaine de l'énergie et par sa conscience de la fin de l’ère du gaz fossile, il s’est tourné vers la méthanisation : une énergie non intermittente qui permet de valoriser les déchets organiques produisant du biogaz (et par la suite de l'électricité ainsi que de la chaleur par le principe de la cogénération).  C’est ainsi que Enerpro a vu le jour.

“La matière organique, c’est un stock fini. Il est important de remettre la matière organique à sa place.”

Enerpro agit localement avec des solutions de méthanisation adaptées à l’échelle, contrairement à l'industrie du méthane qui déplacent la matière organique loin des lieux de production, perturbent le cycle du carbone et empêchent une bonne régénération des sols.
Le projet d’Enerpro s’est notamment concrétisé avec la mise en place d’une petite usine de méthanisation qui fonctionne comme une micro-cogénération grâce aux effluents des petites industries alimentaires .

Après avoir remporté un appel à projet dans les Alpes, Enerpro a également construit une micro usine de méthanisation de traitement du lactosérum présent dans le petit lait, sous produits encombrant de l’industrie laitière. Au lieu de le verser dans la rivière voisine et de polluer les alentours, le résidu est traité en tant qu’intrant de la micro usine, et est valorisé en produisant du gaz et de la chaleur.

Enerpro se tourne aujourd’hui vers des barques-méthaniseurs, permettant la récupération des déchets organiques le long des fleuves.

 

Hameaux légers

Mardi matin 10h-13h
Saint André-les-eaux

site internet: Hameaux léger


Le hameau léger du Placis est un lieu de vie écologique et participatif près de Dinan en côte d’Armor. C’est une communauté rassemblant des familles vivant dans des habitats réversibles.


Nous y avons rencontré Clémentine, une des habitantes qui y vit avec son mari et son enfant Maël âgé de 2 ans et demi. Elle nous a fait visiter le hameau et toutes ses maisons, plus originales les unes que les autres: Prototype de l’ENSA (école d’architecture de Nantes), maison issue d’une ossature récupérée, projet d’écoles d’architectes, maison auto-conçue et auto-construite par les habitants, les maisons réversibles sont faites avec un maximum de matériaux de récupération et sont conçues pour être facilement démontables.
 

On peut distinguer deux types de bâtiments dans un hameau léger. D’abord le bâtiment commun, qui fait office de cuisine, salle à manger, salle de repos, et salle de bain. Bref, un lieu de convivialité. Et en deuxième, des habitats plus petits,  propre à chaque famille et qui leur permet de profiter de moment intimes et de dormir, de travailler. 
 

Ces mini-maisons ne sont pas reliées au réseau électrique ni d’eau et son pensé entièrement réversible (déconstructible et déplacable).
 

La vie au hameau est simple : les familles qui y habitent peuvent profiter de moments ensembles dans leur habitat individuel et de moments de convivialité au sein du bâtiment commun. Ils peuvent choisir de manger tous ensemble dans celui-ci chaque soir ou bien chez eux. C’est une forme de colocation avec ses parts d’individualité.


Tous les vendredis sont consacrés à des réunions sur la vie dans le hameau. Tous les habitants se réunissent le matin et font un point sur l’avancement du projet durant la semaine passée. L'après-midi est dédiée à un temps plus intime autour des problèmes rencontrés par chacun, leurs appréhensions, leurs soucis, leurs joies, leurs émotions, tout ça dans un cadre de bienveillance et de soutien mutuel.
La plupart des habitants ont quitté leur travail pour se consacrer entièrement au projet depuis le début de sa création en février 2021. A terme, ils aimeraient pouvoir reprendre leurs activités, et certains sont déjà en reconversion.


 

E.C.L.I.S.

Mardi après-midi, 14h-16h30
Quévert

site internet: E.C.L.I.S.

E.C.L.I.S. pour Eco Construction Locale et Initiative Solidaire.

Petite entreprise de 5 salariés spécialisée dans la formation dans le domaine de l’écoconstruction et de la restauration de bâtiments du patrimoine. Ils ont également une activité d’innovation/production, de réhabilitation de bâtiments (thermique, ossature …), d’accompagnement des collectivités et des particuliers et de promotion de l’éco construction. 

ECLIS est une SCIC, Société Coopérative d'Intérêt Collectif. Ce statut implique que tous les bénéfices réalisés doivent être réinjectés dans la société elle-même. Contrairement à une SCOP, la SCIC se doit également d’être multi-sociétaire. ECLIS compte par exemple parmi ses sociétaires des salariés, des anciens stagiaires, des collectivités, des partenaires et des bénéficiaires. Pour finir, la SCIC doit avoir une utilité sociale. En plus de promouvoir l’éco construction et un monde plus durable, les formations d’ECLIS permettent une réinsertion ou l’accès à un premier diplôme pour des personnes défavorisées.
eclis

Nous avons été accueillis par Caroline, directrice du centre de formation de ECLIS, avec thé et café servis sur la table. Olivier, le formateur, nous a rejoint en cours de route. Avec eux, nous avons eu des discussions passionnantes sur les bénéfices d’un “apprentissage circulaire” qui fait des allers-retours entre théorie et pratique, le fonctionnement d’une SCIC, l’évolution de l'éco-construction depuis plus de 10 ans, la rédaction des règles pro et le monopole que risquent d’avoir les grands industriels qui arrivent à certifier leurs techniques, l’absence de financement pour l'intérêt collectif, l’énergie abondante qui déplace les facilités du travail humain à l’industrialisation, et le rapport au travail et au temps qui doit ou va être amené à évoluer.


 

La Cahute

Mercredi midi, 11h-13h30
Dinard

Site internet: Cahute
Spécialisée dans la conception et la réalisation de tiny-house homologuées “caravane”, Cahute est une entreprise très attractive. 

Dès ses débuts, la structure a pris le parti de concevoir un dispositif conforme à la réglementation des caravanes. Cette démarche, opposée aux mouvements anarcho-militants, permet un dialogue facilité avec les institutions, et en rentrant dans les règles, Cahute peut alors les élargir: elle a permis la rédaction du cahier des charges officiel du micro-habitat homologué.

Fort de cette maturité réglementaire, Cahute conçoit ses micro-caravanes avec des matériaux bio-sourcés et locaux, comme de la peinture d’algue ou des essences de peuplier. Au cœur des problématiques, ces micro-habitats autonomes adoptent fortement la démarche low-tech : pompe à pied, collecteur d’eau de pluie, énergie solaire, etc. 


Bien que porteur d’un projet abouti et en très bonne forme (carnet de commande très rempli), Thomas nous a partagé ses réflexions profondes sur le futur de l’habitat mobile, enrichi d’exemples historiques comme futuristes, au sens du monde bas-carbone. Bien que le micro-habitat autonome représente une piste pour la vie de survivaliste, le fondateur croit davantage dans la mutualisation pour un futur plus sobre et désirable.

Thomas prête une grande attention aux besoins des personnes qui effectuent la commande et au sens du projet qu’elles portent, refusant de profiter de “l’effet de mode” pour vendre des produits dont les gens n’auraient pas besoin. Il porte également une réflexion poussée sur la frontière entre micro-maison et précarité, les m²/habitants étant un des critères des logements sociaux. En bref, il questionne constamment les solutions qu’il propose, gardant ainsi des valeurs fortes et les pieds sur terre, loin de la frénésie que pourrait amener un projet qui suscite autant d’engouement.














Tout En Vélo

Mercredi soir, 19h-20h
Rennes

Site internet: Tout En Vélo


Mercredi soir, nous avons retrouvé Francois, un des co-gérants de Tout En vélo Rennes, autour d'une bière.

SCOP Rennaise de cyclo-logistique, la franchise ToutEnVélo fait partie des premières en France dans le domaine et s’est exportée dans une petite vingtaine de métropoles. La structure propose des services logistiques urbains pour des charges allant jusqu'à 300 kg. Très compétitive sur les petits trajets de l’hypercentre, la structure agit principalement sur des livraisons et collectes pour des structures privées, en pharmacie et bureautique par exemple, et publiques comme la Métropole de Rennes pour la collecte des encombrants.

ToutEnVélo s’appuie également sur une structure SCIC intégrant la fabrication des remorques sur-mesure et la distribution des VTT électriques de livraison. L’atelier basé à Noyal-Sur-Seiche conçoit, achète et répare les équipements distribués aux différentes SCOP ToutEnVélo.

Le fonctionnement en SCOP permet de fidéliser les adhérents ToutEnVélo et de proposer un modèle de gouvernance plus coopératif - les salaires sont votés par les salariés. En outre, la structure tient à ménager ses équipes en visant un équilibre 50/50 entre les livraisons et le travail de bureau : gestion des livraisons, administratif, prospection commerciale.

Déjà “forte” de deux autres concurrents sur Rennes, la cyclo-logistique s’impose comme une solution de bon sens pour le dernier kilomètre au sein d’une circulation dense et y est très compétitive face aux engins thermiques. Des perspectives d’emport plus lointaines sont en discussion afin d’élargir le champ d’action, mais se heurtent encore à des problèmes de consolidation trop éloignées, issues de la logistique conventionnelle. Il semble pertinent de développer des points relais diversifiés et plus adaptés aux solutions de transport plus légères.

La Vilaine Fabrique

Jeudi matin 10h-12h
Chavagne

Site internet: La Vilaine Fabrique


La “VIF” est un fablab low tech qui a pour but d’outiller avec des low-tech, diffuser des savoirs, former à l’autoconstruction et permettre le partage.

La VIF se trouve dans un hangar, au sein d’une ferme qui les soutient dans leur projet depuis le début. Dans ce hangar, on trouve un atelier bois, de quoi travailler le métal, faire de la couture, de l'électricité, de l’électronique… ainsi qu’un bureau autoconstruit en bois terre paille et laine de mouton. Axel nous explique que tous les achats d’outils pour l’atelier sont réfléchis : sont-ils indispensables, ou existe-t-il une alternative manuelle ? Sont-ils facilement réparables ? Est-il possible de les acheter d’occasion ?

 

Les activités de cet atelier couvrent deux thématiques : l’équipement pour l’énergie pour l’habitat, et les low-tech pour l’agriculture et l’alimentation. Cela se traduit notamment par des formations à l’autoconstruction de poelitos ou de panneaux solaires chauffe-eau, et par la construction d’outils agricoles ou de machines proposées par l’atelier paysan. Ils font également de la sensibilisation dans les collèges, des prototypes sur des projets variés, et participent au développement d’une filière bois locale.
 

Pour s’inscrire encore plus dans l’écosystème local, le fablab est ouvert sur certaines plages horaires aux personnes extérieures qui souhaitent profiter des outils, avec une participation à prix libre. Gaspard a également développé des partenariats avec des acteurs locaux (déchetterie, scierie…) pour récupérer des matériaux gratuitement.


Gaspard nous raconte la genèse du projet : “La condition pour lancer le projet, c’était d’avoir des gens quasiment à temps plein pour pouvoir bosser dessus”. Pour pouvoir se libérer du temps, il fallait arrêter de travailler et donc trouver un moyen pour vivre décemment sans source de revenu ou presque. Pour cela, une première solution s’impose : se libérer de la charge d’un loyer. C’est comme ça qu’ils se retrouvent sur la ferme des petits chapelais en 2020, qui les accueille gratuitement contre quelques jours de renfort à la ferme par mois. Bénéficiaires du RSA et vivant avec peu de dépenses, ils peuvent donc lancer le projet de la VIF. Au-delà d’un fablab low-tech, c’est donc une véritable réflexion sur nos modes de vie que portent les fondateurs.

Publié le 14 octobre 2022 Mis à jour le 25 novembre 2022